Oblomov, Gontcharov
Voilà un original! Un pas comme les autres, un farfelu, un excentrique, d'un genre particulier... Un oisif. Un de ceux qui pensent que la position allongée demeure la plus propice à la réflexion. Un homme qui érige la paresse au rang d'idéal .
Oblomov ? Aussi emblématique en Russie que Don Juan, Don Quichotte ou Faust pour le reste du monde, ce mythe à même inspiré un néologisme : l’oblomovisme. Une manière d’être, de penser, d’imaginer et surtout de patienter. En un mot, une manière slave de vivre. Oblomov, dans le moelleux de sa vieille robe de chambre orientale, est un propriétaire terrien. Un personnage qui laisse passer le temps. Parler de paresse serait trop simple. Oblomov se livre plutôt à une sorte de rêverie utopique et engourdissante. Alors il peut renouer avec les dorlotements de son enfance. Proie facile, il est exploité, grugé, dépouillé par son entourage. Et sa fiancée Olga a bien du mérite à vouloir le sauver. En fait, Oblomov va tout perdre, jusqu’à sa santé. Mais dans une sorte de bonheur léthargique, d’humilité et d’accomplissement accepté du destin.
Grand roman de mœurs, Gontcharov offre une satire mordante des petits fonctionnaires et des seigneurs russes. Véritable morceau de bravoure, irrésistible de drôlerie, décrivant les multiples tentatives toutes vouées à l'échec pour sortir l'homme de son lit, le roman dresse, en filigrane, une fresque socio-historique de la Russie . Publié en 1858, voilà une oeuvre majeure de la littérature russe du XIXe siècle. Tour à tour émouvant, drôle, tendre, avec des moments de lyrisme teintés parfois d’érotisme. « Une œuvre capitale », disait Tolstoï. «Servie par un talent éblouissant», ajoutait Dostoïevski. Et que dire du style au accents flaubertiens. Puissance et profondeur teintée de légerté, voilà un grand, un très grand roman, où L'humour et la poésie sont au service d'une question que Gontcharov laisse ouverte : et si la paresse, après tout, était moins un vice qu'une forme de sagesse? Bref, un régal!