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La XXVème heure
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17 décembre 2011

La conversation, Jean d'Ormesson

imagesCAETR2INEn ce début septembre, je rencontrais pour la quatrième fois Jean d'Ormesson. Voilà un rendez-vous que je ne manquerais pour rien au monde tant le plaisir de cet instant privilégié m'enchante. Oh je sais, certains rigoleront. Certains même se gausseront à l'évocation du nom de l'Immortel. Mais lui et moi, qui partageons une certaine complicité, nous en fichons! bien trop occupés que nous sommes à nous pencher sur cette "chose étrange à la fin que le monde". Et, sa main posé sur la mienne, nos regards pétillants de curiosité, nous sourions aux merveilles de l'existence...

Je le rejoins dans les locaux de la maison d'édition de sa fille, Héloïse, au coeur du Quartier Latin. L'humeur est au vagabondage et l'homme à l’œil qui frise, la fossette qui frétille. Son regard céruléen s’illumine et son visage arbore le sourire d’un gamin facétieux… Il s’amuse. Jean d’Ormesson s’est offert une récréation : une conversation avec Napoléon ! Enfin, Bonaparte surtout; qu’il convoque dans un dialogue brillant, érudit, avec son second consul Cambacérès, auquel il dévoile les raisons qui le poussent à transformer la République en Empire et à se couronner empereur. L’Immortel se joue du grand homme : tour à tour l’admirant, le croquant, le caricaturant avec enthousiasme et exaltation. Il imagine, en cette soirée d’hiver 1803, Bonaparte soliloquant face à Cambacérès, fin juriste à qui le code civil doit tant sa clarté que sa tolérance, tenant étroitement son rôle de courtisan à l’aube d’un empire naissant. Et de là surgit en une centaine de pages le nouvel opuscule de l’auteur d’Au plaisir de Dieu. Dans cette conversation rêvée, mais dont chaque propos du vainqueur d’Arcole et de Marengo se veut authentique, Jean d’Ormesson montre toutes les dimensions de ce soldat, futur Empereur, que Pouchkine décrivait comme “Cet homme du destin, ce voyageur guerrier, devant qui les rois s’abaissèrent, ce cavalier sacré par le pape, qui disparut comme l’ombre de l’aurore”.

Dans ses Mémoires, de Gaulle écrit : “Qu’est-ce donc que cette chose dont parle Alexandre lorsqu’il évoque sa destinée, César sa chance, Napoléon son étoile ? Qu’est-ce donc sinon la confiance qu’ils avaient tous les trois dans leur rôle historique ?” Que lui répondriez-vous ?

La paranoïa ! Croire à ce point en son étoile et en la capacité de plier les événements à son exigence relève de la psychose. Au-delà, trois éléments leur sont communs : l’intelligence, l’imagination, la volonté.”

Quel rapport entretenez-vous avec Napoléon ?

“À l’instar de Chateaubriand, je déteste Napoléon autant que j’admire Bonaparte. Cet homme, dont je loue le génie et j’abhorre le despotisme. Il est un esprit brillant incroyablement romanesque, un mythe vivant, un Dieu surgissant… Au-delà, côtoyer un tel personnage ainsi que Talleyrand, Cambacérès ou Fouché demeure un savoureux plaisir.”

 Esprit brillant, mais qui ne sert que son ambition…

“Certes ! Mais elle sert l’État et la grandeur de la France. Il redonne fierté et panache au pays. S’il demeure un grand prédateur, il n’enrichit que l’État; même s’ils se confondent.”

Lui, issu de rien, aimait-il le peuple ?

 “Pas vraiment. Il tue la liberté, perçoit que le peuple aspire tant à l’égalité qu’à être gouverné et donc il le manipule.”

Pourtant, il voudra instaurer une nouvelle voie : celle du mérite et du talent. Cela devrait vous séduire…

 Après l’hérédité monarchique, le nivellement égalitaire jacobin, il instaure la formule de à chacun son talent. Sur le principe, cela devrait me plaire. Néanmoins, ce qui me différencie de lui, c’est un certain respect de l’homme quand lui le méprise. Il considère que les hommes se manipulent avec des hochets. Or, je crois fondamentalement au principe d’égalité demeurant supérieur à celui du mérite.”

 Finalement, n’est-il pas marxiste avant l’heure ?

 “Absolument ! Il confesse servir les Français et parallèlement exerce une dictature. Le principe est totalement marxiste.”

 Napoléon, premier Européen ?

 “Comme l’étaient Charlemagne, Charles Quint ou… Hitler. C’est une vision romaine, avant tout.”

 

imagesCAV0SWSOJean d’Ormesson, La Conversation, Éd. Héloïse d’Ormesson. 

 

 
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  • La lecture n'est pas une confusion entre fiction et réalité, une humiliation du réel. Lire n'est pas une activité séparée en concurrence avec la vie. Au contraire! Elle donne forme, saveur, style et même élégance à l'existence...
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