Les deux remords de Claude Monet, Michel Bernard
Magistral! Erudit, inventif, passionnant, jamais pompeux, accessible à tout instant... Michel Bernard délivre avec "Les deux remords de Claude Monet", une fulgurante pétite! Pas besoin d'être féru de peinture pour plonger dans cet ouvrage qui se révèle une magnifique aventure humaine.
*Voici donc un livre quasiment parfait. Si bien que l’on hésite à privilégier telle ou telle de ses qualités, tant elles concourent, chacune et toutes ensemble, à l’harmonie de la lecture. Quelque deux cents pages, ni trop, ni trop peu, divisées en trois sections d’inégale longueur pour éviter la monotonie et laisser au mouvement central le loisir de se déployer, comme la rivière sinue plus languissante entre la source et l’estuaire.
Des personnages réels et passionnants : Claude Monet, sa première épouse et modèle Camille, son ami et collègue, le peintre Frédéric Bazille, mais recréés, ravivés par la sympathie du romancier et la vibration de son imagination. Une époque, de la guerre de 1870 aux années 1920, où l’histoire bascule d’un siècle à l’autre, blessée par les conflits, endeuillée par les morts fauchés dans la fleur de l’âge et la palpitation des grands espoirs. Et, pour raconter le parcours d’un artiste génial, des vaches maigres de sa jeunesse à la vieillesse fortunée, l’écriture admirable de Michel Bernard.
Sans cesse, plusieurs fois par page, le crayon souligne une phrase, ici, coche un paragraphe, là, pose un point d’exclamation admiratif…
Dans le domaine de Giverny où s’achèvent, avec le décès de Monet, ces Deux remords, le peintre est entouré de tableaux et du souvenir des êtres qu’il a aimés, à sa manière souvent maladroite et bourrue. Frédéric, fils d’une famille méridionale aisée, aussi grand de taille que de générosité, artiste lumineux. Et, surtout, Camille, qui prodiguait « son apaisante tendresse au révolté, sa main fraîche sur son front », supportant l’indigence des débuts, s’épanouissant tranquille dans le confort de la maturité. Puis affrontant héroïquement une maladie cruelle. Et partout, la peinture, le désir, l’insatisfaction, la rage de créer et l’incessante remise sur le chevalet de toiles que, même quand on s’appelle Claude Monet, on trouve presque toujours indignes « des choses présentes devant soi ».
Une histoire d'art, d'amour, d'amitié, de deuil. En filigrane: le XIXè, la fin d'un monde et l'aube d'un nouveau, la nature, l'éveil à l'intelligence pure... Michel Bernard entrelace les émotions. Avec maestria, il lie l'intime et l'absolu. Bref, un régal!
*La croix