La marche de Radetzky, Joseph Roth
Trop marqué par la trilogie de Miklos Blanffy (la XXème heure 2 janvier 2012) ou l'oeuvre de Sandor Marai, j'ai longtemps hésité à me plonger dans le si célèbre "La marche de Radetzky" de Joseph Roth. Et pourtant, voilà le roman par excellence de "L'apocalypse joyeuse" - celle d'une caste et d'un d'empire.
Rythmé par le tempo d'une marche militaire chère à Strauss, Roth entraîne son lecteur vers la fin du (d'un) monde à travers trois générations de von Trotta, dont le destin semble indissociable de celui du dernier des Habsbourg.
Le grand-père, surnommé le « Héros de Solferino», anobli lorsqu'au péril de sa vie, il sauva celle de l'Empereur François-Joseph dans la géhenne de la légendaire bataille; son fils, fonctionnaire de l'Empire; son petit-fils, officier tombé au champ d'honneur en septembre 1914 qui assiste médusé à l'effondrement de l'empire austro-hongrois.
En filigrane, c'est aussi l'évocation magistrale d'une société autrichienne en pleine désintégration politique et sociale et, d'une manière générale, le constat d'un ordre qui se défait irrévocablement, que nous livre avec brio l'auteur de "La crypte des Capucins" et du sublime "Le poids et la grâce".
Ce roman épique, choral, place Joseph Roth parmi les plus grands auteurs de langue allemande. Il appartient à la littérature autrichienne - tout comme Rilke, Kafka, Schnitzler et Musil - à la littérature d'un Empire qui, mettant des siècles à mourir, prêtait à tout crépuscule la jeunesse d'une aube durable .