Le paradis des femmes, Ali Bécheur
"La ville n’est pas bien grande, mais plurielle, une petite tour de babel : on y parlait l’arabe, bien sûr, mais aussi l’italien avec l’accent de Palerme, l’Espagnol et le grec, le français chantant du midi, l’alsacien rugueux, et surtout le parler pied-noir où la mimique exprime mieux que les mots..."
Voilà un magnifique hymne à la Tunisie, du temps où elle n'était pas encore un refuge de grands hôtels (par la taille, non par l'élégance) destinés à des vols charters bondés de touristes blonds, tatoués, coiffure de footballeur, avides de rejoindre le bar "All inclusive".
Ali Bécheur décrit une autre Tunisie, celle d'antan, celle des ruelles, des petites maisons, des odeurs parfumées, du café des délices... Ce temps où les gens parlaient entre-eux sur le pas de leurs demeures, à l'ombre d'une chaleur sèche. Il plonge dans les quartiers où se cotoyent en harmonie Juifs, musulmans, chrétiens : véritable creuset de tolérance. Et puis, il y a les femmes. Surtout. Il les raconte, leur rend hommage, les aime...
Ce roman interpelle, séduit, évoque un imaginaire multidimensionnel : social, mythique, sexuel, métaphysique. L’humour, l’enjouement, les anecdotes les plus sagaces, toutes ces références replacent le lecteur dans l’ambiance d’autrefois celle du terroir tunisien d’avant l’Indépendance.
L’auteur ne cherche guère à suivre la voie de la mémoire nostalgique, ni à énumérer le chapelet des souvenirs. Entre fantaisie, gaieté et nostalgie, il nous confie les jeux de l’adolescence : les filles, les premiers émois, nous initie aux rites sociaux, ceux qui ont fait de lui un homme dans le sillage du père et du grand-père; et les nuits à écouter les contes d’Ommi Khadouja.
Servit par une plume lumineuse, ce roman restitue avec bonheur le parcours d’un enfant qui croque la vie à pleines dents sans fiel ni rancune... Une merveille!