Une forêt d'arbres creux, Antoine Choplin
"Quand il regarde les deux arbres, il pense à tous les arbres du monde. Il songe à leur constance, qu'ils soient d'ici ou de là-bas, du dehors ou du dedans. Il se dit : vois comme ils traversent les jours sombres avec cette élégance inaltérée, ce semblable ressort vital."
Nous sommes à Terezin, une ville ghetto où l'on enfermait, durant la seconde guerre, scientifiques, architectes, ingénieurs... toute personne d'origine juive susceptible d'être utile au Reich. L'endroit est une vitrine. De celle qu'on présente aux visiteurs de la Croix rouge, histoire de leur donner l'illusion que les "travailleurs" sont traîtés avec humanité. Les arbres cachent les barbelés et la luminosité n'est rien d'autre qu'un leurre. Lorsque Bedrich y pénètre avec femme et enfant, il se voit rapidement affecté à l'atelier de dessins. En apparence, un havre de paix, comparé à l'horreur de certains autres lieux. Sauf que les détenus dessinent, à longueur de temps, les plans des camps de la mort et des ... fours crématoires.
Mais le dessin se révèlera une arme destructrice. Forts de leurs crayons, ingénieurs, architectes, scientifiques... croqueront les scènes de leur vie quotidienne, de la terrible réalité. Un témoignage contre l'inimaginable! Malgré le risque, ils réussiront même à faire sortir les dessins de Terezin. Jusqu’à ce que les monstres les rattrapent.
Roman coup de poing porté par une plume délicate, toute en nuances. Antoine Choplin conte avec subtilité cette histoire... vraie. Il ne livre pas d’images insoutenables, ne jette pas en pature, avec forces et détails, la cruauté des massacres. Non! Il convoque simplicité et douleur pour tracer le quotidien presque « ordinaire » de ses habitants. Le drame se joue en filigranes. Son écriture se fait calligraphique lorsqu'il esquisse la lumière et les ténèbres. Le ton se veut ciselé, épuré pour célébrer Bedrich qui payera de sa vie, la volonté de raconter.
Cent-vingt pages sublimes. Une somptueuse réussite. Bref, un régal!