Derrière la haine, Barbara Abel
Du suspense comme on l’aime. Nuit blanche garantie. Ambiance suffocante, relations claustrophobes, crescendo mesuré et cadencé… « Derrière la haine » se révèle un petit chef d’œuvres de finesse et d’intelligence psychologique.
Une petite ville de banlieue, deux maisons mitoyennes séparées par une haie où s’installent deux jeunes couples : Laetitia et David, Tiphaine et Sylvain. Chacun arrive avec son histoire, celle de son couple, celle plus personnelle…
Très vite les deux ménages se lient d’amitié et finissent par former une entité fusionnelle. Ils partagent tout ou presque, auront des enfants quasi en même temps… Bref, un équilibre (trop) parfait où tout semble idyllique. Jusqu’au jour où un tragique accident vient bouleverser cette harmonie et exploser la partition de ce quatuor.
Dorénavant, le doute s’est inoculé comme un venin. Un doute qui se transformera en suspicion, une suspicion qui vacillera dans la haine… et le passé qui se réveille.
La lauréate du prix Cognac offre mieux qu’un thriller psychologique, elle se livre à une analyse comportementale minutieuse, décortique les détails, musarde dans l’inconscient, explore les limites de nos tolérances, confronte l’instinct à la raison.
Au-delà, c’est aussi un questionnement sur la confiance, l’amour, la raison, le « corpus familias », l’incertitude, les certitudes, le quotidien, la douleur « qui ne se partage pas, au contraire du bonheur», le mal, le bien …
Sans doute Barbara Abel tempe-t-elle sa plume dans la veine hitchcockienne, car comme lui "plus elle éveille l'imagination, plus elle suscite d'émotions". Un très bon roman donc qui flirte avec la littérature et ses grands thèmes. A découvrir d'urgence.
Votre créneau : l’angoisse du quotidien ?
«L’essentiel de mes livres trouvent leur origine dans une angoisse domestique : un contexte simple, issu du quotidien. Ensuite, je tisse, je brode et je génère, autour de ces situations, une atmosphère suffocante. Dans ce roman, on se retrouve face à deux familles ordinaires qui, confrontées à un drame, vont connaître une lente descente aux enfers»
L’angoisse domestique ne traduit-elle pas la peur des responsabilités ?
"Tout à fait ! L’idée que des êtres peuvent dépendre de moi m’effraye. J’imagine toujours des événements catastrophiques, extrêmes. Pour les évacuer, je les couche sur le papier et crée des thrillers psychologiques. C’est ma thérapie ».
Dans un couple faut-il tout se dire ?
« Ah non, certainement pas ! Je dirais même qu’il faut cultiver sa part de mystère comme un jardin. Au-delà, il est des secrets anciens tus qui peuvent briser un être, un couple, une famille».
Le silence aussi peut briser, non ?
«Certes ! D’ailleurs le secret que porte Sylvain sera révélé à son insu et ensuite utilisé contre lui ».
Pourquoi la famille est-elle au centre de vos romans ?
« C’est un microcosme fascinant qui exacerbe les sentiments. On a tous des histoires familiales plus ou moins avouables. Le lecteur peut donc s’identifier aux personnages et au récit »
Vous décortiquez également les liens d’amitié…
«L’amitié et la promiscuité. Les deux couples vivent dans des maisons mitoyennes. Lorsque le doute et la peur s’insèrent dans leur relation, cette proximité intensifie encore les émotions. L’angoisse peut alors être poussée à son paroxysme ! »
Le roman est très construit, Quel schéma avez-vous suivi ?
«J’adore les séries : Dr House, 24h chrono. J’installe dès le départ une situation forte, violente. Ensuite, je reprends l’histoire à la genèse et remonte le cours des événements. Parallèlement, je sème le trouble, racontant les faits de points de vue différents, celui de chaque famille, de chaque conjoint. L’effet crescendo est d’autant plus puissant».
Un excellent scénario de film
"A bon entendeur..."