Les autos tamponneuses, Stéphane Hoffmann
Une histoire de bourgeois retirés dans le golfe du Morbihan, dans un endroit vachement classe, où le couple et ses fantômes concentrent les préoccupations de l'auteur. Bon, écrit comme çà, voilà qui n'inspire guère à la lecture.
Et pourtant, Stephane Hoffmann est diabolique car il fait de ce roman une véritable dentelle d'humour et de lucidité.
Pour Pierre Bailly, son héros, l'heure du repos bien mérité a sonné et il décide d'abandonner ses bureaux de la Défense, où prospère l'entreprise familiale fondée par son beau-père, pour profiter de sa maison du golfe du Morbihan. Problème: son épouse, Hélène, ne veut pas s'encombrer d'un retraité. N'est-ce d'ailleurs pas l'absence qui a garanti la solidité du couple qui s'apprête à fêter ses quarante ans de mariage? Mariés «par hasard», ils le sont «restés par égoïsme et comme par indolence» tout en ayant trois enfants un fils aîné mort accidentellement de noyade, un fils et une fille perdus de vue depuis longtemps qui furent «peu aimés».
Sur le fond, Pierre et Hélène sont d'accord: «Le mariage nous a toujours semblé être un tour en auto tamponneuses : c'est inconfortable, on prend des coups, on en donne, on tourne en rond, on ne va nulle part, mais au moins, on n'est pas seul.»
Dans la lignée de ses précédents romans, Des filles qui dansent et Des garçons qui tremblent, Stéphane Hoffmann signe une chronique acide sur le couple et la bourgeoisie de province.
Il s'invite en douceur dans les recoins de l'âme de ses personnages. Et, de sa plume élégante, il célèbre un art de vivre contrariant la morale du temps présent.
Subtil, intelligent, irresistiblement drôle, grinçant... on en redemande!