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La XXVème heure
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25 janvier 2012

Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants, Mathias Enard

Enard1Mathias Enard met en scène le célèbre Michel-Ange dans un récit savoureux où l'amour et l'espionnage viennent se mêler aux mystères de la création artistique. 

A force d’empiler les livres dans la bibliothèque, certains finissent par se cacher dernière une autre couverture. C’est ainsi qu’en fouillant les étagères,  je suis retombé sur « Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants ». Quel bonheur de tenir à nouveau ce magnifique roman, prix Goncourt des Lycéens en 2010.

C'est un petit livre calme et fort qui raconte l'histoire d'une tempête. Celle qui vint troubler la vie du grand Michel-Ange. De cet artiste de la Renaissance, que sait-on ? Assez peu de choses, en somme. Au 16e siècle, la biographie ne se concevait pas autrement que comme une hagiographie. Les détails embarrassants étaient occultés et les auteurs ne se souciaient que de sculpter la statue des grands hommes. 

Mathias Enard a prouvé avec son précédent roman, Zone, extraordinaire odyssée qui s'étendait en une seule phrase sur près de 500 pages, qu'il maîtrisait parfaitement l'art du roman. Avec ces 150 pages, il change radicalement de registre, mais pas d'ambition. Il raconte, avec un sens aigu du détail, le périple de Michel-Ange à la cour du sultan de Constantinople, le terrible Bajazet.Enard3

Nous sommes en 1506. Michel-Ange n'est pas encore l'auteur de la célèbre fresque de la chapelle Sixtine, ni du fabuleux tombeau du pape Jules II. Son David a pourtant fait de lui le héraut de la ville de Florence. Mais il a des rivaux. Le peintre Raphaël, notamment. Un rien paranoïaque, notre artiste est certain qu'un complot se trame contre lui dans les couloirs du Vatican. Il accepte donc la proposition du Grand Turc et se rend à sa cour. Arrivé à Constantinople, il découvre un autre monde. Bajazet lui demande de construire un pont. Un pont "politique" entre Europe et Asie, capable de relier les deux rives de la cité autrefois chrétienne et tombée récemment aux mains de l'islam. Une cité où, de chaque côté du Bosphore, règne une tolérance entre chrétiens, juifs et musulmans qui fascine Michel-Ange. 

Enard2Mathias Enard écrit dans les blancs de la grande Histoire. De cette escapade de quelques semaines il tire un récit savoureux où l'amour et l'espionnage viennent se mêler aux mystères de la création artistique. Qui est cette femme, belle, andalouse, juive, un poignard entre les mains, qui murmure à l'oreille du peintre endormi : "Je sais que les hommes sont des enfants qui chassent leur désespoir par la colère, leur peur dans l'amour [...] On les conquiert en leur parlant de batailles, de rois, d'éléphants et d'êtres merveilleux" ? Enard fait du génie renaissant un perpétuel fuyard : devant la vie, devant l'amour. Et c'est ainsi que Michel-Ange est grand.

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  • La lecture n'est pas une confusion entre fiction et réalité, une humiliation du réel. Lire n'est pas une activité séparée en concurrence avec la vie. Au contraire! Elle donne forme, saveur, style et même élégance à l'existence...
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