Erevan, Gilbert Sinoué
Dante n’avait rien vu
Erevan, sous les cendres demeure... l'Arménie. Que raconte Gilbert Sinoué
Auréolé de son talent de conteur oriental, Gilbert Sinoué plonge avec émotion dans la tragédie du peuple arménien. À travers une famille d'Anatolie, il tisse les destins et retrace les chemins qui, à l'ombre du Croissant, mènent vers l'insupportable. Et l'auteur d'inviter le lecteur, comme le préface son ami Charles Aznavour, à "réconcilier nos peuples et se libérer d'un mensonge d'État pour entrer, clair et limpide, dans cette Europe qui aujourd'hui doute et doutera plus encore demain".
Comment expliquer l'origine du génocide arménien ?
"Longtemps, les Arméniens furent considérés comme la nation fidèle, intégrée au sein de l'État. Les choses se sont dégradées avec le sultan Abdül-Hamîd d'abord et le gouvernement des Jeunes Turcs, ensuite, qui va aller jusqu'au génocide de 1915. Un pogrom effroyable : 1.200.000 personnes massacrées sur les routes de Syrie et de Mésopotamie. Les hommes ont été sauvagement assassinés. Les femmes et les enfants, battus, violés, ont été abandonnés en plein désert."
La cause ?
"Après une islamisation de l'Empire ottoman, lorsque éclate la Première Guerre mondiale, le gouvernement turc considérait les Arméniens comme des traîtres potentiels. Ces deux millions de chrétiens représentaient, selon les autorités, un danger et l'État a décidé de les éradiquer."
Le roman débute, au XIXe siècle, lors de la prise d'otages de la Banque impériale ottomane. Pour quelle raison ?
"C'est l'élément déclencheur. Un groupe de jeunes Arméniens séquestre quelque 150 fonctionnaires étrangers afin d'alerter le monde sur la situation de leur peuple." Un assaillant s'écrie alors : "Nous sommes obligés de prendre des mesures extrêmes, car c'est l'indifférence criminelle de l'humanité à l'égard de notre peuple qui nous y contraint."
Cela justifie-t-il le terrorisme ?
"Nullement ! Mais le monde est complexe. Je ne pardonne aucun acte de violence. Force est pourtant de constater que, dans l'histoire, on est toujours soit le bouc émissaire, soit le terroriste de quelqu'un."
Au-delà, vous écrivez qu'Un peuple qui pense est indestructible. L'éducation est-elle la meilleure arme contre l'extrémisme ?
"L'éducation, bien entendu, mais surtout la non-violence. Gandhi, Mandela... ont bouleversé le monde ! Armés de cette volonté, guidés par cette conviction, ils ont fait s'écrouler des empires."
Interview > Didier Debroux